Salarié·e en reconversion : choisir ou non la carrière de professeur

En quoi le métier de professeur·e peut-il répondre aux besoins d’un·e salarié·e du privé en recherche d’une évolution professionnelle à notre époque numérique ? Rémi Boyer, président-fondateur de l’association Aide aux Profs, propose une solution pour choisir en toute connaissance de cause.
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Les salariés du privé quel que soit leur secteur abordent le métier de professeur différemment. Plus de 25% des professeurs du 1er degré ont exercé auparavant dans le privé, contre un peu plus de 10% dans le 2nd degré.
Ils sont majoritairement père et mère d’enfants qui ont pu rencontrer des difficultés scolaires diverses et variées. Peut-être ont-ils découvert ce métier comme parents d’élèves, ou peut-être se sont-ils investis dans le suivi du parcours scolaire de leur enfant. Certains auraient voulu devenir professeur dès la fin de leurs études mais ont été contrariés par la pression de leurs parents qui les en ont détournés, et c’est un rêve d’enfant qu’ils souhaitent alors voir se réaliser, ne fusse qu’une année.
Ils ont donc une meilleure connaissance pratique de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, et en cela sont plus pertinents que les étudiants pour exercer ce métier à un moment de leur parcours de carrière. Au lieu de se laisser déborder intellectuellement par des préparations de cours comme ceux des étudiants qui n’ont comme expérience professionnelle que celle d’enseignant, ils sauront mieux déconnecter le soir de leurs cours de la journée, puisqu’ils auront adopté une partie de leur carrière un rythme plus soutenu dans leur emploi sur 44 à 47 semaines, avec une vraie déconnexion, et ils sauront garder ce rythme pour mieux se préserver de l’envahissement de leur sphère personnelle que subissent fréquemment les étudiants dans ce métier les premières années.

Sang neuf et air frais

Après avoir réussi dans un métier en lien avec des études plus ou moins poussées, les salariés du privé intéressés par le métier de professeur peuvent percevoir cette nouvelle étape comme une manière de redonner à la société tout entière la chance qui leur a été donnée de faire de longues études. Ils auront à cœur de faire grandir les élèves dans leurs apprentissages en ayant en mémoire ce qu’ils ont pu faire pour leurs enfants, et réutiliseront des techniques qu’ils ont mises en œuvre, ce qui leur aura procuré sur le tas une pratique personnelle et imaginative de la pédagogie, sans avoir besoin de forcément de passer par un Institut National Supérieur du Professorat et de l’Education (INSPE) pour être opérationnel.
Leur formation d’origine leur suffira souvent amplement pour enseigner les programmes d’une ou de plusieurs disciplines, et pleinement conscients du rythme de travail du privé, ils vivront cette expérience comme une nouvelle organisation de leur vie familiale et personnelle, sur 36 semaines. Ce sera l’occasion pour eux de créer les conditions d’enseignement dont ils auraient aimé bénéficier lorsqu’ils étaient élèves, et qui ne leur avaient peut-être pas donné envie de devenir professeurs. Ce sera aussi l’opportunité de diffuser leur vécu de l’entreprise, et d’agir dans un collectif de professeurs parfois cloisonnés en petits groupes, voire isolés dans leurs pratiques, pour créer des équipes sur différents projets porteurs et motivants pour leurs élèves, lorsqu’ils s’apercevront que leur établissement d’affectation n’est pas très ouvert au travail en équipe.
L’Education nationale tout entière pourra trouver en eux le levier nécessaire pour créer des postes à profil plus nombreux, avec l’annualisation de leurs services sur la base du volontariat, puisqu’eux y sont déjà familiarisés a contrario de ceux qui sont passés d’étudiants à professeurs sans autre expérience. Ce peut être l’émergence d’une nouvelle Education nationale, chacun choisissant alors (ce qui suppose que la GRH de proximité crée les conditions d’une véritable flexibilité, un effort inédit à réaliser) d’exercer en horaire statutaire ou par annualisation de son temps de travail, à l’Education nationale de trouver comment rendre intéressante la deuxième option. Confier plus de missions et responsabilités motivantes aux professeurs au sein de l’établissement, leur reconnaissant ainsi leur vrai statut de cadres A, est une piste. Il y en a beaucoup d’autres.
Les professionnels du privé redonnent en général de l’oxygène à des salles de professeurs constituées majoritairement de professeurs de longue date qui se sont enfermés dans une routine sclérosante, certains attendant les congés scolaires pour « souffler et revivre », quatre mois par an.

Se préparer à exercer le métier d’enseignant

Dans un monde numérique où de plus en plus de métiers ont perdu tout sens et tout humanisme, entre 8h par jour passées devant son ordinateur à réaliser des tableaux de reporting, et une réunionite aigüe pour décider lors d’une réunion ce qui se passera à la prochaine, le salarié du privé peut être motivé par un métier où il pourra enfin exprimer en autonomie toute cette créativité qui bouillonne en lui, et sommeille, car ses fonctions lui interdisent peut-être toute marge d’initiative. Il est libre de lancer des projets avec ses élèves chaque année, peut mobiliser des équipes pluridisciplinaires pour relever des challenges, en ayant le sentiment d’être pilote, maître d’ouvrage et maître d’œuvre à la fois, ce qu’il a rarement eu dans son parcours dans le privé, sauf à être chef d’entreprise.
Il est préférable que le salarié du privé devienne professeur entre ses 30 et 45 ans, pour que ceux dans la borne haute, à l’occasion d’un premier contrat de projet d’une durée de 5 à 6 ans, aient encore toutes leurs chances de rebondir à nouveau dans le privé à 50-51 ans s’ils ne souhaitent pas poursuivre dans cette voie. A l’inverse, un professeur qui n’a fait qu’enseigner n’aura pas cette chance, car à peine un sur dix, selon notre expérience d’accompagnement, réussit à convaincre un chef d’entreprise de le recruter, tellement la société tout entière croit encore que le professeur qui n’enseigne que 15h (agrégé), 18h (certifié), ou 24h (professeur des écoles), « ne travaille qu’à mi-temps » et « ne saura pas s’adapter ».
Si beaucoup de salariés du privé viennent enseigner dans les années à venir, progressivement l’image du métier de professeur changera, car il se sera connecté à la société tout entière dans sa diversité, et chacun peut-être finira par avoir eu une étape de son parcours professionnel comme professeur.
Le portail Devenir Prof permet à chaque salarié du privé de se poser une multitude de questions pour bien se préparer, gratuitement, aux savoir-être et savoir-faire indispensables du métier de professeur.

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