Les «jours de trop» d’Alexandre

Dès son plus jeune âge, Alexandre prend conscience qu’il ne rentrera jamais dans aucune case. Il passe de nombreuses années à attendre… d’être enfin aux manettes de sa vie. Jusqu’au jour où il s’est dit qu’il faisait «un boulot à la con» et qu’il a réfléchi à d’autres projets, davantage orientés vers l’humain et la transmission. Alexandre Luna a été professeur. Marine Baumann-Luna a débuté sa carrière dans le milieu du design industriel et de la vente immobilière. Tous deux ont écrit un petit guide impertinent, ludique, incarné, drôle et instructif sur la reconversion La Vie Professionnelle des Poupées Russes

Alexandre est à ranger dans la catégorie des anxieux. Quelque chose du genre « tout va bien, mais on ne sait jamais, tout peut s’écrouler demain ! ». Et que font les anxieux ? Ils se rassurent… en cumulant ! Je n’ai jamais vu un type avec une telle collection de chemises bleues. Mais bon, ce n’est pas le sujet du livre.
Dès son plus jeune âge, Alexandre prend conscience qu’il ne rentrera jamais dans aucune case. Il passe ses dix-huit premières années à attendre… d’être enfin aux manettes de sa vie. Sa scolarité est longue, souvent frustrante et teintée d’ennui. En somme, on essaye de lui apprendre à faire entrer des ronds dans des carrés et vice-versa. Cette période est une succession de «jours de trop » qui ont forgé son caractère indépendant.

La frustration est un excellent moteur

Le baccalauréat en poche, Alexandre s’inscrit dans une école de commerce pour « garder un maximum de portes ouvertes et prendre le temps de bâtir un projet personnel et professionnel sur-mesure ». Enfin, c’est ce que racontaient la brochure et la dame du salon étudiant. En cours, on lui explique qu’il est impensable de lancer un produit sans une pyramide de Maslow, une matrice BCG ou une analyse SWOT. On retire des points à son rapport de stage s’il n’a pas laissé une page vierge entre la couverture et le sommaire, ou si la pagination ne respecte pas à la lettre ce qui a été demandé. On lui lit des heures durant des Powerpoint, mot pour mot, qu’il recrache, mot pour mot, aux partiels de fin du trimestre. Qu’en reste-t-il six mois plus tard ? Absolument rien, si ce n’est l’envie de s’installer à son compte. Un « jour de trop » pendant son stage de fin d’études finit de le convaincre : trois signatures différentes de trois services différents sont nécessaires pour obtenir une fourniture de bureau. Pire encore : il découvre que les salaires des collaborateurs de l’entreprise dépendent de l’école dont ils sont diplômés. À poste égal.
La frustration est parfois un excellent moteur : à 22 ans, Alexandre monte son entreprise de communication, spécialisée dans l’écrit et la politique. Pendant cinq ans, les journées se suivent et ne se ressemblent pas, le rythme est exaltant, les missions passionnantes. Finalement, une école de commerce n’était pas une si mauvaise idée : on lui a appris une méthode de travail plutôt efficace, à présenter un projet convaincant en quelques minutes et à être à l’aise avec un public hétérogène.

Un boulot à la con !

Mais il y a ce «jour de trop»: celui où il passe trois heures en réunion avec un client qui lui explique que « le bleu choisi pour sa plaquette n’est pas assez tourné vers l’avenir et n’incarne pas le caractère fondamentalement optimiste de sa société ». Pourtant, Alexandre s’y connaît en bleu, avec sa collection de chemises. Il se dit alors qu’il fait tout de même «un boulot à la con» et réfléchit à d’autres projets, davantage orientés vers l’humain et la transmission. Il parvient à convaincre deux écoles – dont l’une de commerce – de l’embaucher et propose des cours, garantis sans Powerpoint, liés à la culture générale et à la communication écrite. Une première reconversion à 27 ans, durant laquelle il prend conscience qu’on ne repart jamais vraiment de zéro : on se sert de ses expériences pour en bâtir une nouvelle.

Jusqu’au burn-out 

Mais Alexandre n’est pas Marine : il est, on le rappelle, à ranger dans la catégorie des anxieux. Pendant trois ans, il cumule alors deux activités et ne compte ni ses heures, ni ses jours, ni ses nuits. Il pourrait très bien en arrêter une et vivre tout à fait convenablement, mais « on ne sait jamais, tout peut s’écrouler demain ! ». Et puis il y a ce soir de juillet 2014, où il voit Marine rentrer en pleurs. Ensemble, ils décident de monter un salon de thé ; une nouvelle reconversion à 30 ans, et toujours cette fichue anxiété. L’année suivant la création de L’Impertinente, il jongle donc quotidiennement entre trois métiers. Jusqu’à ce « jour de trop » : celui où le corps et le mental lui disent STOP. En jargon médical, on appelle ça un burn-out. Il renonce alors à l’enseignement dont il estime avoir fait le tour et se consacre aujourd’hui à ce qui le fait vibrer : des projets de communication avec un maximum de sens pour des clients qui partagent ses valeurs, et la gestion des coulisses de l’établissement créé avec son épouse (comptabilité, communication et ressources humaines).
N’empêche, ses pyjamas lui manquent souvent… A suivre…

La Vie professionnelle des poupées russes
Marine Baumann-Luna et Alexandre Luna
Editions du Cherche-midi

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