Le «jour de trop» de Marine

C’était un soir de juillet 2014. Un soir presque comme tous les autres, sauf qu’Alexandre a fait une drôle de tête lorsqu’il a vu rentrer Marine en larmes à la maison. « Alex, assieds-toi, faut qu’j’te parle… Je viens de démissionner, j’arrête l’immobilier. » Marine Baumann-Luna a débuté sa carrière dans le milieu du design industriel et de la vente immobilière. Alexandre Luna a été professeur. Tous deux ont écrit un petit guide impertinent, ludique, incarné, drôle et instructif sur la reconversion La Vie Professionnelle des Poupées Russes.

« Alex, assieds-toi, faut qu’j’te parle… »
Oui, ça a débuté comme un tube de Vitaa. La comparaison s’arrête là.
C’était un soir de juillet 2014. Un soir presque comme tous les autres, sauf qu’Alexandre a fait une drôle de tête lorsqu’il a vu rentrer Marine en larmes à la maison. Il était déjà assis et en pyjama – mais qui ne l’est pas à 19 h 28 ? – et s’est immédiatement demandé ce qui clochait chez sa chère et tendre. « Alex, assieds-toi, faut qu’j’te parle… Je viens de démissionner, j’arrête l’immobilier. »

« Le syndrome de la jeune diplômée »

Marine avait 24 ans, Alexandre 30. Marine ne portait pas de pyjama à 19 h 28.
Deux ans plus tôt, après des études en design industriel, elle se destinait à une carrière ambitieuse à l’international pour dessiner l’électroménager du futur dans une firme mondialement connue. Un stage de quelques mois à Stockholm l’a dissuadée de poursuivre dans cette voie. Coincée dans un immense open-space rempli de Suédois ultra cool et sapés de façon très smart, Marine fut rapidement atteinte de ce qu’on pourrait appeler « le syndrome de la jeune diplômée ». Pendant ses cinq années d’études, on lui avait expliqué qu’elle ferait partie de l’élite, qu’elle allait changer le monde et l’avenir de millions de consommateurs grâce à sa créativité. Mais ça, c’était avant. Avant l’immobilisme qui règne dans ces super structures où chaque décision doit être analysée, débattue, décortiquée… puis abandonnée. Avant les guerres d’égo qui pourrissent les relations entre les services et les équipes. Avant qu’on lui fasse comprendre qu’il était préférable de ne pas proposer de meilleures idées que son N+1, question de hiérarchie… et de survie. Et avant qu’elle passe huit heures par jour dans un bureau. Le mal du pays a fait le reste. Retour au bercail, avec une première reconversion vers un métier « au contact des clients, sur le terrain ». Dirigeante d’une agence immobilière, sa maman l’invite à la rejoindre « pour voir ». Pourquoi pas, après tout ? Elle avait 22 ans, du bagou et la vie devant elle.

Reconversion totale, sans filets

Un an plus tard, elle rencontre Alexandre et s’épanouit globalement dans son métier. Ça aurait pu continuer ainsi pendant des années, mais il y a eu ce fameux « jour de trop ». Depuis quelques semaines déjà, Marine ressent des signaux faibles et une forme de frustration : elle a beau se démener au quotidien pour trouver le bien immobilier qui correspond au mieux au projet de vie de ses clients – et elle y parvient la plupart du temps –, elle ne reçoit que très peu de remerciements. Voire de l’ingratitude. Ça donne en gros : « Vu votre commission et le prix de la maison, heureusement que vous faites bien votre boulot ! » Comme beaucoup d’entre nous, Marine a besoin d’humanité pour se sentir professionnellement à sa place. Un jour de juillet 2014, il y a «l’ingratitude de trop». Une remarque apparemment anodine qui l’a fait éclater en sanglots dans sa voiture quelques minutes plus tard. Sa maman est compréhensive et lui demande ce qu’elle compte faire. « Un métier manuel, dans lequel on voit immédiatement le résultat de son travail et qui fait plaisir aux gens. » Ouvrir un salon de thé était une évidence, et Marine se sent prête à tout lâcher pour tenter l’aventure. Une reconversion totale, sans filets et sous une forme inédite pour elle : la création d’entreprise. Ce soir de juillet 2014, Alexandre se montre compréhensif, lui aussi. Il n’a plus jamais porté de pyjama depuis. A suivre…

La Vie professionnelle des poupées russes
Marine Baumann-Luna et Alexandre Luna
Editions du Cherche-midi

Leave a Comment