Métiers : comment déconstruire les stéréotypes pour plus d’égalité femmes-hommes

Accorder les mêmes droits aux hommes qu’aux femmes suffit-il à éliminer la discrimination au travail ? La réalité est tout autre. Illustration : lorsque les femmes ne se conforment pas à leurs stéréotypes, elles en paient généralement le coût.
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Maude Lavanchy, International Institute for Management Development (IMD) et Ina Toegel, International Institute for Management Development (IMD)

« La vie est injuste : habituez-vous ! ». La première des célèbres « 11 règles de vie qui ne sont pas enseignées à l’école » de Bill Gates résonne chez tout le monde, mais probablement plus chez les femmes que chez les hommes. Selon l’indice Women, Business and the Law de la Banque mondiale, les femmes ne se voient accorder en moyenne que les trois quarts des droits reconnus aux hommes. Cet indice tient compte des différentes étapes de la vie professionnelle d’une femme (du premier emploi jusqu’à la retraite, en passant par le mariage et la maternité) et mesure l’existence d’inégalité entre femmes et hommes pour chacune de ces étapes.

Comme illustré sur le graphique ci-dessous, il existe de grandes différences entre les pays. Alors qu’une grande partie des économies de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont en queue de peloton, les meilleurs scores se situent dans les pays riches de l’OCDE. Six pays – Belgique, Danemark, France, Lettonie, Luxembourg et Suède – réalisent même un sans-faute.

Auteurs à partir des données de la Banque mondiale.

Accorder les mêmes droits aux hommes qu’aux femmes suffit-il à éliminer toute forme de discrimination au travail ? C’est en tout cas ce que prédisent les modèles économiques classiques, vu que toute discrimination sur la base de caractéristiques telles que le sexe devrait naturellement disparaître grâce à la concurrence. Mais la réalité semble raconter une tout autre histoire. Par exemple, malgré un score parfait, il existe toujours un écart de 9 % de salaire injustifié entre les femmes et les hommes en France.

Le manque de femmes dans les industries à dominance masculine et à rémunération élevée, telles que dans les sciences et technologies, est souvent cité comme un facteur essentiel de l’écart entre les sexes. Bien que les filles réussissent aussi bien que les garçons aux tests standardisés en mathématiques et en sciences à l’école, moins de femmes envisagent une carrière professionnelle dans ces domaines. Les femmes semblent faire face à différents obstacles, qui ont peu à voir avec leurs capacités. Les stéréotypes de genre en font partie.

Persistance des stéréotypes

Alors que les hommes sont généralement décrits comme étant ambitieux, intelligents, actifs, autonomes, dominants et agressifs, la société associe plutôt la sensibilité émotionnelle, la compassion, la sympathie et le souci des autres aux femmes. Des recherches approfondies ont été menées sur ces croyances partagées et ont montrés leur persistance à travers les cultures, le temps et les contextes.

Dans un monde complexe où notre cerveau est bombardé d’informations chaque seconde, les stéréotypes font souvent office de raccourcis lors de nos prises de décision, et ce, sans que nous en soyons complètement conscients.

En cas d’échec d’un projet, les femmes sont davantage susceptibles d’être désignées comme responsables que leurs collègues masculins.
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Les préjugés de genre ont pourtant des conséquences importantes dans le monde du travail. Voici quelques exemples :

  • Lorsque des femmes travaillent en équipes avec des hommes, ces derniers ont plus de chance d’être crédités du succès commun, alors que les femmes sont plus susceptibles d’être blâmées en cas d’échec.
  • Les femmes sont soumises à des normes plus strictes en matière de promotion : les femmes promues ont en moyenne des évaluations supérieures à celles des hommes promus, et le lien entre promotion et performance est plus important pour les femmes que pour les hommes.
  • Lorsque les femmes ne se conforment pas à leur stéréotype, elles en paient le coût : les femmes « dominantes » sont en effet souvent moins appréciée que les hommes. Un sondage mené en 2016 auprès de plus de 30 000 employés a révélé que les femmes qui négociaient des promotions avaient 30 % de chances de plus que les hommes d’être qualifiée d’intimidantes, autoritaires ou agressives.

Législation insuffisante

En somme, lorsque les femmes se conforment à leur stéréotype (par exemple, en montrant une sensibilité émotionnelle et une préoccupation pour les autres), elles sont susceptibles d’être perçues comme moins compétentes. Mais si elles défient ce stéréotype et se comportent « comme un homme » (par exemple en faisant preuve de domination et d’ambition), elles seront pénalisées et malaimées.

Les femmes qui réussissent dans les domaines masculins sont bien conscientes de ce paradoxe. S’exprimant lors de la réunion annuelle de l’American Economic Association en janvier dernier, l’économiste de renommée mondiale Susan Athey a déclaré :

« J’ai passé tout mon temps à espérer que personne ne se remarquerait que j’étais une femme. »

Susan Athey, ici au Forum de Davos en 2015.
World Economic Forum/Flickr, CC BY-NC-SA

Les stéréotypes sont des croyances bien ancrées, perpétuées tant par les hommes que par les femmes, et sont présents dans notre esprit depuis l’enfance. Tout le monde peut facilement tomber dans le panneau. Curieux ? Vous pouvez tester votre association inconsciente entre genre et science en passant le test d’association implicite « genre-science ». 70 % des personnes ayant passé ce test ont associé les sciences à ce qui est masculin plutôt que féminin. Les hommes aussi sont pénalisés lorsqu’ils ne se conforment pas à leur stéréotype.

Malheureusement, les législations, les critères de diversité ou les actions en justice ne permettent souvent pas de lutter contre cette forme de discrimination plus subtile : il est difficile de poursuivre en justice son supérieur pour motif que celui-ci n’a pas, consciemment ou inconsciemment, cru que vous aviez ce qu’il fallait pour réussir.

Ce que les femmes peuvent faire

Simplement prendre conscience de l’existence de ces stéréotypes est insuffisant pour les déconstruire. Pour changer les mentalités, les femmes doivent faire 3 choses :

1. Apprendre – parce que la connaissance, c’est le pouvoir

Avez-vous déjà eu le sentiment de vous être fait arnaquer par votre garagiste ? Si oui, vous n’êtes pas seul. Une étude récente a révélé que les garages automobiles modifiaient leurs prix en fonction de la façon dont leurs clients paraissaient informés des prix. Lorsque ces derniers signalaient qu’ils n’avaient aucune idée du coût de la réparation, les garagistes indiquaient un prix supérieur aux femmes qu’aux hommes. Mais ces différences hommes-femmes disparaissent lorsqu’un prix de référence était indiqué. Cet exemple montre comment un seul élément d’information peut réduire la discrimination basée sur le genre (et pourrait également commencer à modifier les attentes des garagistes à l’égard des femmes). L’étude a également révélé que les garagistes étaient plus susceptibles d’offrir un prix plus bas si une femme le leur demandait plutôt qu’un homme. Une femme informée pourrait donc avoir un avantage par rapport à un homme !

2. N’ayez pas peur de vous engager dans des domaines masculins et parlez-en !

Soyons honnêtes, les stéréotypes ne disparaîtront que si les gens comprennent qu’ils sont nuisibles. Les femmes évoluant dans des environnements à prédominance masculine peuvent aider à ce que la société en prenne conscience. Les modèles tels que la tenniswoman Billie Jean King ou la femme d’affaires Sheryl Sandberg jouent un rôle crucial dans la promotion de l’égalité des sexes et la lutte contre les stéréotypes sexistes.

 

« Pourquoi nous n’avons que trop peu de dirigeantes », conférence TED de Sheryl Sandberg (2010).

3. Préparez-vous à réagir

Les femmes doivent anticiper et se préparer à réagir aux commentaires inappropriés ou discriminants. Par exemple, lorsqu’un fan a demandé à la célébrité américaine Lauren Conrad « quelle est votre position préférée ? », elle a brièvement fait une pause et répondu « PDG ».

Bien que ces questions ou commentaires étaient « acceptables » dans le passé, il est de notre devoir aujourd’hui de veiller à ce qu’ils ne soient plus tolérés. Ceux qui perpétuent les stéréotypes de genre devraient supporter les conséquences d’un tel comportement. Les excuses de Martin Solveig après un commentaire sexiste lors de la cérémonie du Ballon d’or sont un exemple récent. Nous devons accepter que ces préjugés existent et rééduquer notre cerveau pour les surmonter. La vie est peut-être injuste, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons rien faire à ce sujet.The Conversation

Maude Lavanchy, Research Associate, International Institute for Management Development (IMD) et Ina Toegel, Professor of Leadership and Organisational Change, International Institute for Management Development (IMD)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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