Demain, je ne procrastinerai plus !

J’ai un peu la flemme. Et pourtant, il y a encore ces dossiers à terminer et ces beaux projets à entreprendre. Malgré mes bonnes intentions, je procrastine ! C’est sûr, demain je commence plus tôt.

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Sylvie Gendreau, Polytechnique Montréal

Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.

Lorsque vous avez un blog et que vous cessez de publier pendant les fêtes ou les vacances, certains lecteurs vous écrivent pour vous demander si tout va bien. Ils s’inquiètent de ne pas avoir de vos nouvelles ! Vos abonnés deviennent vos « fauteurs de troubles agréables ». Un excellent remède contre la procrastination. Ils attendent, donc vous trouvez la discipline de vous remettre au travail et d’écrire votre billet de la semaine.

Mais pourquoi procrastine-t-on au juste ? Les personnes déprimées ont, semble-t-il, davantage tendance à procrastiner comme l’expliquent des chercheurs anglais et italiens en psychologie et en neuroscience dans leur étude « Un modèle métacognitif de la procrastination ».

Procrastination et dépression

D’ailleurs, un nombre important d’étudiants procrastinent parce qu’ils sont dans un état dépressif. On peut se demander pourquoi plusieurs étudiants qui ont le privilège d’être admis dans une université prestigieuse comme Harvard, avec des professeurs réputés, dans un environnement conçu, en principe, pour favoriser l’étude et la recherche souffrent de dépression.

Le stress, l’esprit de compétition, la peur de l’échec, l’incertitude face à l’avenir prendraient pour certains des proportions telles qu’ils se rendent la vie misérable pendant leurs études. Bien que cela ne mène pas forcément à l’échec. Steve Jobs qui ne voulait pas gaspiller l’argent de ses parents a préféré abandonner ses études ou Tim Ferriss, l’auteur du best-seller, La semaine de quatre heures, confie dans son livre Tools of Titans, ses difficultés pendant ses études qui l’ont emmené à avoir une double vie.

Même si les moutons noirs deviennent souvent des entrepreneurs à succès, le fait que tant d’étudiants soient déprimés pendant leurs études est un sujet qui préoccupe les chercheurs depuis fort longtemps.

C’est d’ailleurs en voulant comprendre les causes de l’état dépressif chez les étudiants à l’université Harvard que des professeurs du département de psychologie ont eu l’idée d’inverser la question comme l’explique Shawn Achor dans son livre, The Hapiness Advantage ou Comment devenir un optimiste contagieux (en version française). Ils se sont demandés, quel était le secret des étudiants qui réussissent mieux que les autres ?

Ils ont découvert, contrairement à ce qu’on nous a dit lorsque nous étions petits, que ce n’est pas la réussite qui rend heureux, mais plutôt le bonheur qui permet de réussir. Depuis, des milliers d’études confirment que les personnes qui ont des natures joyeuses et positives réussissent mieux que les autres.

Pas envie…

Que peuvent faire les pessimistes ?

« Si on peut élever le niveau de positivité de quelqu’un dès maintenant, son cerveau ressent ce qu’on appelle un atout bonheur, c’est-à-dire que le cerveau, en mode positif, est nettement plus efficace qu’en mode négatif, neutre, ou stressé. L’intelligence, la créativité, le niveau d’énergie augmentent. En fait, on a découvert que les résultats professionnels s’améliorent. Le cerveau en mode positif est 31 % plus productif qu’en mode négatif, neutre ou stressé. On améliore les ventes de 37 %. Les médecins sont plus rapides et précis de 19 % dans l’établissement d’un diagnostic exact, en mode positif plutôt qu’en mode négatif, neutre ou stressé. Ce qui veut dire qu’on peut inverser la recette. Si on trouve un moyen pour être positif au présent, alors nos cerveaux réussiront encore mieux, car nous pourrons travailler plus vite et plus intelligemment. »

Dans sa conférence TED, Shawn Achor ajoute :

« L’absence de maladie n’est pas la santé. Voici comment obtenir la santé : Il faut inverser la recette du bonheur et du succès. Ces trois dernières années, j’ai voyagé dans 45 pays différents, j’ai travaillé avec des écoles et des sociétés en plein milieu d’une récession économique. Et j’ai découvert que la plupart des sociétés et des écoles suivent la recette du succès suivante : Si je travaille plus dur, je réussirai mieux. Et si je réussis mieux, alors je serai heureux. C’est à la base de la plupart de nos modes d’éducation, de management, c’est la façon dont on se motive.

« Le problème, c’est que c’est scientifiquement invalide et inversé, pour deux raisons. Premièrement, chaque fois que notre cerveau réussit quelque chose, on ne fait que repousser les limites de la réussite. Vous avez eu de bonnes notes, il vous en faut maintenant de meilleures, vous avez intégré une bonne école, et après avoir en intégré une encore meilleure, vous avez obtenu un bon travail, mais vous devez en obtenir un meilleur, vous avez atteint vos objectifs de vente, on va vous les changer. Si le bonheur est de l’autre côté du succès, votre cerveau n’y arrive jamais. Nous avons repoussé le bonheur au-delà de l’horizon cognitif, dans notre société. Et c’est parce que nous croyons qu’il faut réussir, avant d’être heureux. »

« Il nous faut inverser la recette, pour découvrir ce dont sont vraiment capables nos cerveaux. Parce que la dopamine, qui inonde notre système lorsque nous sommes positifs, a deux fonctions. Non seulement elle vous rend plus heureux, mais elle met en route vos fonctions d’apprentissage, et vous permet de vous adapter au monde d’une façon différente. »

La conférence TED de Shawn Achor.

Sept principes de psychologie positive

Dans son ouvrage, Shawn Achor présente sept principes pour obtenir plus de succès et une meilleure performance au travail et dans ses études.

1. L’atout bonheur

Parce que les esprits positifs ont un avantage biologique, apprendre à voir la vie de la manière la plus positive positive possible est un avantage important. Le premier principe consiste à reprogrammer notre cerveau dans l’optique de créer cet atout bonheur pour améliorer notre productivité et notre performance.

2. Le point d’appui et le levier

Notre façon d’expérimenter le monde et notre capacité à réussir changent constamment en fonction de notre état d’esprit. Ce principe enseigne comment nous pouvons ajuster notre état d’esprit (notre point d’appui) d’une manière qui nous donne le pouvoir (le levier) d’être plus épanouis et tirer parti de situations qui, à première vue, n’étaient pas à notre avantage.

3. L’effet Tetris

Qu’arrive-t-il lorsque notre cerveau se coince dans un modèle qui met l’accent sur le stress, la négativité et l’échec ? Nous nous mettons alors en situation d’échec ! Apprendre à détourner notre manière habituelle de fonctionner pour repérer ces blocages et se focaliser sur les aspects positifs plutôt que les aspects négatifs.

4. Le rebond

Au milieu d’une défaite ou d’une crise, nos cerveaux tracent des chemins différents pour nous aider à y faire face. Ce principe nous invite à trouver le chemin mental qui nous conduit non seulement hors de l’échec et de la souffrance, mais nous enseigne à être plus heureux et à apprendre de nos échecs. Comment changer nos parcours mentaux ? Apprendre à voir nos échecs comme des opportunités.

5. Le cercle de Zorro

Lorsque les défis surgissent et que nous sommes submergés, notre raison peut être détournée par nos émotions. Ce principe enseigne comment reprendre le contrôle en se concentrant d’abord sur de petits objectifs gérables, puis en élargissant progressivement notre cercle pour atteindre nos grands objectifs. C’est le fameux baby step, un premier pas, puis un autre et un autre et on s’étonne, à la fin, d’avoir réalisé ces objectifs qui, au départ, nous semblaient trop ambitieux pour nous.

6. La règle des 20 secondes

Certaines mauvaises habitudes sont difficiles à déloger. Soutenir un changement durable est souvent impossible parce que notre volonté est limitée. Et quand la volonté échoue, nous retombons facilement dans nos vieilles habitudes. Ce principe montre comment, en faisant de petits ajustements, on peut réorienter le chemin de la moindre résistance et substituer de bonnes habitudes à la place des mauvaises. Commençons par ranger une armoire avant de ranger la maison et réjouissons-nous de ces premières 20 secondes dans la bonne direction.

7. L’investissement social

Au milieu des défis et du stress, certaines personnes choisissent de se replier sur elles-mêmes. Pour l’auteur, c’est un vrai danger. Les personnes les plus prospères investissent du temps avec leurs amis, leurs pairs et les membres de leur famille pour réussir et imaginer un futur serein. Ce principe encourage à ne pas négliger son réseau de soutien social. Plus nos projets nous accaparent, plus nous nous coupons de nos amis et de notre famille. Shawn Anchor insiste sur les réseaux « en personne », il exclut les réseaux sociaux en ligne.

Ensemble, ces sept principes ont aidé les étudiants de Harvard (et plus tard des dizaines de milliers de personnes dans le monde) à surmonter les obstacles, à transformer les mauvaises habitudes en de meilleures habitudes, à devenir plus efficaces et productifs, à tirer parti des opportunités et à atteindre des objectifs plus ambitieux.

Ces conseils sont d’autant plus utiles dans un monde en mutation rapide. L’étude des chercheurs Bin-Bin Chen et Wexiang Qu de l’Université Fudan en Chine montre que nous sommes portés à procrastiner davantage dans un milieu où les incertitudes sont nombreuses.

La pratique de la visualisation peut-elle réduire la procrastination ?

Une étude récente menée au Canada par des chercheurs de l’université Carleton montre que oui. Deux approches ont été comparées et testées auprès de 193 participants :

  • La méditation axée sur la concentration sur le moment présent.
  • La visualisation centrée sur une projection.

Après quatre semaines, l’approche basée sur l’imagerie mentale s’est avérée nettement plus efficace pour réduire la tendance à la procrastination.

La procrastination est en partie due à une connexion relâchée avec le moi futur. Par conséquent, les exercices de visualisation mettent l’accent sur un renforcement de l’image du moi telle que projetée dans un avenir plus ou moins éloigné (dans le cas de l’étude, quelques mois environ). Un script audio permet aux participants de visualiser clairement l’image de ce qu’ils seront en train d’accomplir au terme de leur semestre : leur assiduité et leur détermination dans la préparation de leurs examens et de leurs travaux, et le réalisme dans la construction de l’image mentale (celle-ci devait mentalement prendre forme dans leur environnement pour susciter le plus d’empathie possible).

Le groupe de contrôle a été assujetti à des exercices de méditation. La méditation, en effet, est censée induire un état de bien-être physique et mental propice à la concentration et à la pleine conscience, et favoriser ainsi une diminution de la procrastination.

Dans mon pays froid, certains de mes étudiants commencent l’année avec des signes avant-coureurs de procrastination, j’espère que ces conseils les aideront ainsi qu’à vous, chers lecteurs, que je n’ai qu’à imaginer pour vaincre la procrastination !

Comment être aussi prolifique que Simenon ?

Aux artistes, je dis toutefois que les plus grands créateurs sont parfois de grands procrastinateurs pour certaines activités quotidiennes. Ils s’éloignent de toutes activités, pendant un certain temps, pour se concentrer sur la rédaction d’un livre par exemple. Tous se souviennent de Simenon qui a écrit 192 romans et 158 nouvelles. Il a confié ses secrets de création en 1955 !

Il s’isolait pendant 8 ou 10 jours et écrivait un chapitre par jour ! Pas mal, n’est-ce pas ? Une activité de création sous haute tension !

Si tout va bien la veille de se mettre au travail, Simenon accomplit seul une promenade dans un lieu écarté. Il cherche à se « mettre en train, à créer en lui un vide qui permet à n’importe quoi d’entrer ». Car il sait qu’il doit écrire, mais n’a aucune idée du sujet ni des personnages. Seul en lui un instinct puissant s’est éveillé, exigeant et presque fatal qui va déclencher des forces subconscientes. »

Et après avoir déterminé, le nom, l’âge, l’adresse, voire le bilan de santé, de ses personnages, il se pose la question pour son personnage principal :

« Ètant donné cet homme, l’endroit où il se trouve, sa profession, sa famille, que peut-il arriver qui l’obligera à aller au bout de lui-même ? »

Bref, à chacun ses méthodes et ses rituels !

The ConversationSoyez heureux et bonne création !

Sylvie Gendreau, Chargé de cours en créativité et innovation, Polytechnique Montréal

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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