Rémi Boyer a lancé l’association apresprof.org, le portail francophone des professeurs en quête d’une seconde carrière: apresprof.org. Il nous raconte pourquoi et comment il a créé l’association. Suivez le fil de la réalisation d’un projet avec ses hauts et ses bas.
En 1999, après 13 ans d’enseignement, je demande en vain ma mutation depuis 3 ans vers un lycée après avoir réussi l’agrégation externe de géographie en 1996. Mon barème a beau augmenter de « 10 points » chaque année, le barème d’accès à un poste de ce type semble inaccessible, et je m’ennuie de plus en plus en collège, dont j’ai fait depuis longtemps le tour de tout ce que je pouvais y mettre en œuvre.
En 1999, je prends contact avec la cellule d’aide aux enseignants de mon académie pour savoir ce que « je pourrais faire d’autre » et, si l’accueil est satisfaisant, les pistes proposées, elles, sont décevantes : devenir secrétaire administratif (niveau Bac, moi qui ai Bac+5 à l’époque) ou chef d’établissement. C’est tout… A aucun moment je ne m’imagine devenir chef d’établissement par déception de ne pas avoir pu trouver « autre chose ».
Un nouveau métier
À partir de 1999 je mène donc moi-même ma prospection de postes, puisque c’est ce que la cellule d’aide aux enseignants m’a conseillé. Je concentre mes efforts sur le statut de détaché, qui me paraît de loin le plus souple et le plus sécurisant.
Après 2 ans de recherche sur le web, je décroche un emploi de ce type, où j’apprends un autre métier, celui de responsable de formations à distance. J’y apprends aussi l’esprit d’entreprise, et le métier d’éditeur. J’ai le sentiment d’être entré dans une nouvelle étape de ma carrière, mais je ne parlerais pas de « seconde carrière », car son caractère définitif ne sied pas à ma volonté de réaliser d’autres étapes.
Un projet inédit
Entre 1999 et 2006 je mène une prospection de plus en plus méthodique sur le web pour « recenser » tous les postes occupés ici et là par des enseignants : j’ai le sentiment d’un éparpillement, comme si je cherchais une aiguille dans cette botte de foin qu’est Internet. Il n’y a pas de guide, pas de cartes, que des mots clés à imaginer pour trouver la bonne information, et un objectif à conserver en tête, quoi qu’il arrive : réaliser un répertoire de toutes les structures, de tous les emplois où les enseignants réalisent une seconde carrière sans que cela ait été identifié comme tel, alors qu’en 2003 cette expression devient inscrite dans la loi Fillon, article 77.
Accompagner les autres
Après avoir mené en complément de ma formation une psychanalyse pendant une dizaine d’années, complétée par un apprentissage des techniques de remotivation auprès d’un consultant en relations humaines, je décide entre décembre 2005 et mai 2006 de proposer à tout enseignant qui le souhaite un accompagnement dans son projet professionnel à partir d’un blog que j’ai créé. Pour proposer d’accompagner les projets professionnels des autres, il faut être solide dans sa tête, bien dans sa peau, avoir fait « le tour de soi » pour pouvoir consacrer son énergie aux autres. Sur la soixantaine de personnes qui me contactent, je suis 10 projets, et 4 réussiront par la suite très vite. Ces personnes me suggèrent de créer « une entreprise ou une association ».
Création de l’association
La forme associative s’impose tout de suite, et je crée la marque « Aidoprofs » qui parle d’elle-même. A l’époque, personne n’a eu l’idée de placer un « o » pour lier « aide » et un autre mot dans les listings de l’INPI. J’ai lancé une mode… Depuis nous avons renommé l’association apresprof.org.
Très vite, je m’aperçois que ce que je propose via cette association répond à un réel besoin des enseignants, en raison de la fréquentation de la plateforme que nous créons pour qu’elle devienne le portail francophone de référence des professeurs en quête d’une seconde carrière : www.apresprof.org.
Articles à ne pas rater :
– Enseignants, des solutions pour changer
– Une seconde carrière pour les profs
Merci chère professeure d’anglais. Votre témoignage illustre parfaitement ce que vivent un grand nombre de vos collègues et les poussent à se poser la question d’un autre avenir professionnel. Bien sûr, chaque prof en questionnement quant à sa carrière n’a pas forcément connu ce genre de situation. Heureusement. Tenez-nous au courant de l’avancée de vos projets.
J’ai été agressée par un élève en 2004, il m’a traitée de « salope » le jour du dernier conseil de classe. Pendant le conseil, j’en ai parlé aux équipes pédagogiques. Le lendemain, j’étais agressée par un élève mandaté par celui qui m’avait insultée. Pour tout soutien de l’Education nationale, je n’ai reçu qu’une lettre me disant : « Appelez notre cellule d’aide psychologique, si vous le souhaitez. » Je ne l’ai pas fait. Légèrement blessée à l’oeil, vite remise physiquement, mais complètement traumatisée, j’ai continué à enseigner un an, dans un autre établissement car j’avais demandé ma mutation. Cette nouvelle année scolaire a été encore plus difficile que la précédente : j’ai travaillé dans la peur permanente, ayant perdu toute motivation et ne me confiant à personne sur ce qui m’était arrivé l’année précédente, de peur d’être mal perçue. La chef d’établissement, bien sûr, le savait. Au bout de cette année, j’ai décidé de financer mon bilan de compétences pour essayer d’envisager autre chose. Ma motivation pour l’enseignement s’amenuisait et ma chef d’établissement m’a dit en entretien de fin d’année : « Si j’étais vous, j’irais faire autre chose », alors que j’étais simplement venue lui demander ma propre salle pour l’année suivante. Je l’ai prise au mot, je ne suis pas revenue, il restait 3 semaines de cours. J’ai demandé un reclassement, on me l’a refusé mais proposé une dispo. J’ai réussi à rebondir, heureusement, mais si j’avais connu l’association Aide aux profs, j’aurais gagné beaucoup en temps et en soutien ! Je les contacterai d’ailleurs un jour pour avoir des infos !